La guerre des Cola en Thaïlande : Est vs Pepsi

Aujourd’hui, je vous propose un article un peu plus décalé, un petit peu d’actu de temps en temps, c’est toujours plus sympa ! Mais il ne s’agit pas d’une info commune, d’ailleurs j’ai fait le tour de la presse française et on n’en parle pas du tout, mais c’est un peu normal… cela concerne la guerre des Cola au Royaume de Siam.

Je vous en parle car c’est quelque chose qui m’a fortement surpris et je ne sais pas si cela aurait pu également marcher en France, en tout cas j’ai vraiment été bluffé par la stratégie déployée par Est, une société qui était encore complétement méconnue du grand public il n’y a même pas trois mois de cela. Aujourd’hui, ils ont clairement récupéré une bonne partie des parts de marché du Cola en Thaïlande, et particulièrement à Pepsi, je vous explique l’histoire…

Serm Suk, la société à l’initiative de Est

Durant 59 ans, la société Serm Suk a servi Pepsi en Thaïlande, c’était en quelque sorte l’intermédiaire du géant américain qui ne livrait que sa recette à la société thaïlandaise : sa fameuse poudre qui permet de faire son Cola. Serm Suk, quant à lui, se chargeait de l’embouteillage, la conception de la boisson sur place (adaptée pour le public thaïlandais), de la livraison et même des campagnes publicitaires pour Pepsi.

La fin d’un contrat de 59 ans entre Pepsi et Serm Suk

Le partenariat entre Pepsi et Serm Suk a pris fin au 1er novembre 2012. Les deux firmes ne sont pas parvenues à un accord financier qui n’a pas permis le renouvellement du contrat entre les deux parties. Pepsi, souhaitant profiter de la position de Serm Suk (qui ne possède pas la recette de Pepsi), a voulu accroître ses marges sur les ventes réalisées. Pepsi pensait bel et bien que la société thaïe n’était capable de rien sans sa recette.

Ce fût une erreur énorme de la part de Pepsi.

C’était sans compter sur la détermination de la société Serm Suk de s’en sortir et de montrer qu’elle pourrait être le leader du secteur et concurrencer sérieusement Coca Cola, en crééant sa propre boisson. Serm Suk, ayant accumulé au fil des années, une expérience indéniable en production, livraison, conditionnement, marketing…, bref tous les savoirs étaient réunis pour faire quelque chose et Pepsi a réellement sous-estimé son partenaire.

Serm Suk se rapproche du géant ThaiBev

Mais Serm Suk manquait clairement de moyens financiers pour réussir son lancement marketing et devait faire face à un manque d’expérience dans la création du produit idéal. Pour réussir à percer dans ce secteur hyper concurrentiel avec deux acteurs majeurs : Coca Cola et Pepsi et un troisième qui essaye de s’imposer tant bien que mal : Big Cola, Serm Suk doit créer un véritable buzz qui fera parler de sa marque partout : il faut que tout le monde l’adopte dès son lancement.

Sans des moyens très importants, notamment pour gérer cette grosse campagne marketing, Serm Suk se doit de s’allier avec un autre géant de la boisson, et c’est ainsi qu’ils se rapprochent de la société ThaiBev qui en fait l’acquisition pour 512,6 millions de dollars. ThaiBev n’est autre que le détenteur de la célèbre bière Chang (n°1 en Thaïlande) et des alcools Sang Som (rhum) et Mekhong (spiritueux).

Le lancement de la marque Est

Est Cola

Présentation du produit : Est

Est est un cola assez semblable au Pepsi, ce qui le démarque un peu est son mélange de Cola avec du root beer (qu’on appellerait aussi racinette en français) et un peu plus de sucre. Pour ma part, je trouve cette boisson réussie et elle n’a pas à rougir face aux géants Coca Cola et Pepsi ! C’est vrai qu’on a plutôt du mal à adopter d’autres colas que les Coca et les Pepsi en raison de leur goût parfois désagréable (je parle des Cola des supermarchés en France). Mais là, la surprise est au rendez-vous !

Le buzz marketing créé par la marque

On sait tous à quel point Coca Cola et Pepsi peuvent être agressifs en marketing : ils sont tout simplement partout ! Spots publicitaires à la télévision, affiches commerciales dans les rues, dans les magazines, sur les maillots de foot, dans les stades… rien ne les arrête pour garder leur leadership !

Quand on connait les enjeux commerciaux des deux marques, c’est compréhensible. Alors imaginez l’écart qui sépare cette toute nouvelle marque qu’est Est et ces deux géants américains présents sur le marché du Cola depuis plus de 100 ans ! Est doit pouvoir créer un miracle si il souhaite s’imposer sur le marché et la solution, il la détient grâce à son partenariat avec ThaiBev : une campagne marketing énorme qui représente un montant total d’1,5 milliard de bahts, soit 37,5 millions d’euros.

Avec ce pactole, Serm Suk a recruté trois superstars comme modèles pour la campagne : les chanteurs Sukrit Bee Wisetkaew, Pakin Tono Kumwilaisuk et Pirat Mike Nitipaisalkul. Ces trois là sont pour conforter la crédibilité de la marque et accroître considérablement son nombre de consommateurs. Vivant en Thaïlande depuis trois mois, j’ai pu assister à l’arrivée de la marque Est en temps réel et je peux vous dire que depuis deux mois, ils sont partout !

On retrouve les trois chanteurs thaïs brandissant leur bouteille d’Est sur tous les espaces publicitaires possibles : dans les grandes surfaces, dans les 7 Eleven (supérette très populaire), à la télévision, sur les affiches publicitaires, dans les journaux/magazines… Bref, les Pepsi et autres Coca Cola se font bien + discrets en ces temps comparés à Est.

Et cela a l’air de très bien marcher pour Est que l’on voit partout : les restaurants, les supérettes, les supermarchés et les petites boutiques ont immédiatement adopté la boisson, au détriment de Pepsi.

Le succès d’Est et l’échec de Pepsi

Pepsi a clairement pris cher avec cette alliance entre Serm Suk et ThaiBev. Pepsi a non seulement perdu tout support en Thaïlande, mais le géant américain a commencé à disparaître petit à petit des points de vente. Car Pepsi comptait sur la société thaïe pour tout faire en Thaïlande, résultat : aujourd’hui, ils n’ont plus rien. Pas d’usine pour préparer les boissons et aucun moyen d’embouteillage. Ils doivent se débrouiller pour leur campagne publicitaire, pour les livraisons…

Avant le mois de novembre 2012, Pepsi commercialisait trois types de bouteilles : en plastique, en verre et en cannette. Aujourd’hui, on ne retrouve que ses bouteilles en plastique et ses cannettes dans les magasins, mais en plus faible quantité. Les restaurants, utilisant essentiellement les bouteilles en verre pour pouvoir les recycler ensuite (moins coûteux), ont donc arrêter de vendre des bouteilles de Pepsi pour les remplacer par les bouteilles d’Est. Même dans les supérettes et les supermarchés, on trouve désormais plus de bouteilles d’Est que de Pepsi.

Pour conclure sa stratégie commerciale, Est réalise même des promotions intéressantes depuis son lancement, en partenariat avec 7 Eleven, bref tout pour encourager les consommateurs à délaisser les autres Cola pour choisir le sien. Côté consommateur, l’arrivée d’un nouvel acteur facilite les choses : la concurrence est bien plus rude même pour les anciens qui étaient bien installés et ils se doivent donc d’être plus compétitifs sur les prix pour espérer faire la différence à l’acte d’achat.

Conclusion : avec un bon produit et une excellente communication, Est a réussi son pari et personne n’aurait pu s’y attendre ! A travers cet exemple, on comprend à quel point la communication est indispensable pour une marque, pour développer sa notoriété, créer un besoin de consommation et pousser à l’acte d’achat. Malgré la concurrence, Est a réussi son coup et il sera difficile de l’arrêter dans sa course !

Et vous que pensez-vous de la marque Est ? Imaginez-vous que ce scénario puisse se reproduire en France ? Qu’adviendra t-il de Pepsi en Thaïlande ?

12 réflexions au sujet de “La guerre des Cola en Thaïlande : Est vs Pepsi”

  1. Article très intéressant qui montre que ce n’est pas forcément le produit qui est le plus important, l’ensemble des compétences de maîtrise de la logistique, embouteillage, marketing peut parfois être déterminant.

    Cela me fait fortement à l’analyse stratégique du BONSAI Technologique qui montre qu’avant de conquérir un marché il est important de se concentrer dans un premier temps sur les racines (recherche scientifiques) puis le tronc (application de la recherche) pour enfin se lancer sur le marché (les branches). SERM SUK possédait donc l’ensemble des éléments fondamentaux à la réussite de PEPSI. C’est un des risques de l’externalisation …

    J’ai tout de même du mal à croire que cela puisse se passer en France, mais bon ce serait intéressant de voir un nouveau compétiteur faire son apparition !

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  2. Ca montre surtout que la relation entre donneur d’ordre et prestataire est parfois plus symétrique qu’on le dit, même quand le donneur d’ordre est une world company. La plupart des gens (y compris moi) auraient dit que c’est Pepsi qui avait son distributeur à sa botte, et au final c’est eux qui ont souffert d’avoir un distributeur unique (c’est surtout ça qui les pénalise, si c’était qu’une histoire de marketing ils auraient riposté avec un budget 2 ou 3 fois plus important).

    Après il faut voir si c’est juste une mode ou si vraiment Est va rentrer dans les habitudes de consommation des gens.

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  3. Salut Maximilien,

    J’ai trouvé ton article super intéressant.

    En effet, quand j’ai vu débarqué les campagnes EST il y a quelques semaines, je pensais que c’était un nouveau concurrent sur le marché pour COCA-COLA et PEPSI.

    C’est quand j’ai vu qu’il n’y avait plus de PESPI en rayon que j’ai commencé à me poser des questions.

    Ton article a vraiment éclairé ma lanterne 😉

    Bonne continuation

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  4. Ah que de souvenirs à travers ton article qui evoque la bière Chang et ces fameux 7Eleven ouverts 24h/24 qui rendent bien des services pour aller s’acheter un petite soupe en plein milieu de la nuit 🙂

    « avec un bon produit et une excellente communication » et un ENORME budget, effectivement je crois qu’on peut vendre n’importe quoi … après reste à voir si c’est un simple coup ou s’il vont réussir a s’installer sur le long terme.

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  5. Salut Maximilien, très bonne idée que ce post décalé et empreint de ta culture locale 🙂 Je trouve ça top ! D’ailleurs, je me demande même s’il ne serait pas intéressant de créer une rubrique dédiée à ta perception et à l’analyse que tu fais de la vie en Thaïlande ^^

    Cette rubrique pourrait traiter du Web, de la vie locale, des marques, de l’entrepreunariat…

    Personnellement, ma société (que j’ai fondé) propose une plateforme professionnelle de conversion de vidéo dans le Cloud et j’aimerais beaucoup proposer mon service en Asie. Mais le marché est très difficile à pénétrer. Toi, en étant sur place, tu pourrais faire de l’intermédiation ou nous donner des astuces 🙂 Faire comme la boite qui avait un deal avec Pepsi !

    Bref, je m’éloigne un peu mais ça reste intéressant.

    Pour ce qui est de la morale de l’histoire : le mythe de David et Goltiath est toujours d’actualité. N’oublions pas qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi 😉

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  6. @Mikael Exactement c’est le problème de l’externalisation et Pepsi a vraiment mal géré son coup : plutôt que d’entretenir une relation de partenaire « égal », ils considéraient Serm Suk comme son exécutant. Malgré ces nombreuses années de partenariat, je pense que Serm Suk l’a mal pris et il avait d’autant plus quasiment tous les moyens de réussir sur son propre marché qu’ils maitrisent parfaitement.

    @Samuel Vu les investissements qu’il y a derrière et la connaissance parfaite du marché qu’ils ont, je pense que cela ira plus loin qu’un simple phénomène de mode. Ils prévoient aussi d’être les leaders du marché devant Coca Cola d’ici 5 ans.

    @Jerome Et oui ça fait un peu bizarre au début et les fans de Pepsi ont du être assez déçu de cette disparition soudaine. D’ailleurs tout s’est passé en quelques jours, toutes les bouteilles de Pepsi en verre ont disparu des restaurants pour être remplacé par Est. Et la marque a réalisé un partenariat intelligent avec 7 Eleven : du coup on retrouve quasiment que des bouteilles de Coca Cola et d’Est dans les rayons et peu de Pepsi (sans oublier Big Cola qui peine à faire acte de présence).

    @Xavier En effet, c’est un ensemble. En tout cas, tout a été réfléchi pendant longtemps et rien a été laissé au hasard pour faire un lancement aussi réussi. Comme je le disais un peu plus haut, je pense que ça va bien marcher sur le long terme 😉

    @Eric C’est toujours intéressant d’aborder de nouvelles choses, comprendre les techniques et stratégies marketing d’autres entreprises ailleurs dans le Monde et en tirer les bonnes informations.

    Cette histoire est très riche et intéressante, c’est pourquoi je souhaitais la partager sur ce blog, d’autant plus que je l’ai vécu sur place et c’était assez impressionnant. Je n’ai jamais rien vu de semblable en France, et je pense que ce serait bien plus difficile sur un marché comme le notre.

    La Thailande est un pays extrêmement avancé en matière de marketing, je pense notamment aux centres commerciaux (Central Group, The Mall et Siam Piwat) et aux enseignes commerciales (comme 7Eleven, Tesco Lotus/Express, Family Mart ou encore Big C) qui pratiquent des techniques de vente très poussées. Je pense même que les enseignes françaises pourraient s’en inspirer 😉

    Je ne vais pas créer de nouvelles rubriques, par contre oui je continuerai à parler de temps en temps des marques en Thailande, d’entrepreneuriat, des campagnes marketing intéressantes… tout ce qui pourrait intéresser au maximum les lecteurs mais je ne souhaite vous ennuyer non plus :p Ce blog est surtout destiné aux webmasters et référenceurs, je ne sortirai donc pas trop du contexte. Ces articles seront souvent liés à du marketing ou à une actu, ça ira donc dans ces catégories.

    C’est exactement l’exemple de David et Goliath, bien trouvé !

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  7. C’est excellent, c’est le genre d’histoire qui fait plaisir car face aux géants ce n’est jamais facile de se faire une place ils ont réussi un sacré coup, chapeau bas 🙂

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  8. Je pense aussi que la communication est essentielle pour la réussite d’une entreprise, et ce quelque soit sa taille. Si je ne pouvais illustrer mon propos que par une seule image, je dirais que ce n’est pas pour rien que les discours médiatiques des hommes politiques sont chronométrés à la seconde près… En tout cas une histoire très intéressante et qui laisse songeur.

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  9. Attention quand même au formatage marketing excessif. Avec la tendance actuelle qui est de tout « marketer », « concevoir », « communiquer », … le risque de burn-out et de rejet va se rapprocher.
    On le voit déjà avec des artistes « trop vus » qui font l’objet de phénomènes de rejet, etc…

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  10. Je suis en partie d’accord avec Alain. Néanmoins, nous sommes ici dans un milieu hyper-concurrentiel sur un marché national, et dans ce contexte, il est difficile de s’imposer d’une autre manière face aux géants américains (exception faite des coca régionaux en France).

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